Poème “Il est trois arbres en Bourgogne” F. CONDOMINE

François Condomine était professeur au Collège/Lycée de Jacques Amyot dès le lendemain de la Grande Guerre. Il ne l’avait jamais quitté puisqu’il était encore professeur honoraire en 1967, date du dernier palmarès (celui-ci ayant disparu en mai 68). Il enseignait principalement la Philosophie dans la filière menant au bac, et aussi un peu dans l’autre filière, l’ÉPS. Il était donc mêlé à toute la vie de l’établissement. À l’État Civil, Condomine se prénomme Georges, en littérature, il signe François.

Avant-Propos

« Verba volant, scripta manent », les paroles s’envolent, s’échappent, les écrits, au contraire, demeurent, à condition de s’en occuper : c’est ce que je viens faire pour ces pages de Georges CONDOMINE (je l’ai connu), confiées de la main à la main à mon père en 1950. Elles ont été écrites au plus intime de la vie du collège Paul Bert puis lycée Jacques Amyot d’Auxerre, et, après les avoir regardées longtemps comme de l’extérieur, je les vois maintenant comme un message à transmettre. Je ne les ai retrouvées dans aucun livre sur la Résistance dans l’Yonne, alors que j’en ai déposé une copie il y a bien des années au 12 rue Basse-Moquette. C’est en voyant mon père quelque peu oublié que j’ai résolu de sortir cet écrit de l’ombre, d’autant plus qu’il met en scène et lumière Jacques Doré, le frère fusillé (à Vitry-le-François) de son grand ami et collègue Maurice Doré, professeur de Physique dont j’entends encore la voix de stentor. Et je me plais à rappeler Robert Bailly, que j’ai aussi connu, élève de mon père à son tout début de carrière dans les années 25-30. Il n’était certes pas un historien patenté, mais il n’en a pas moins fait œuvre fondatrice dans le domaine de la Résistance, et il a trouvé le moyen de développer “comme un invincible songe” une belle idée poétique fantasmée, celle de couler dans le moule du Dormeur du Val la transplantation des trois arbres d’Égriselles dans le camp d’internement de Vaudeurs, autre trou de verdure où manque une rivière. De sorte qu’on peut, sur le modèle de Victor Hugo chanté par Brassens (Gastibelza), écrire “il est trois arbres en Bourgogne, il en est en Champagne aussi”. Vaudeurs au cœur du pays d’Othe, dans des forêts qui répondent à celles qu’on trouve en allant vers le Morvan. Cette mise en correspondance est celle du refrain et leitmotiv de Condomine, “Entre Laroche et Vézelay”, qui, du monde ferroviaire, fait passer à la colline d’Éternité, ouvrant sur le Monde tout entier, jusqu’à Hiroshima, ose écrire Condomine. C’est une responsabilité terrible que d’avoir à dire que ce beau geste est celui du beau Christ du tympan de la Madeleine, mais je sens mon père présent, à côté de moi dans le narthex avec son guide de Porée à la main, et il me semble que si je me retournais, je verrais Condomine. Plutôt que chauve-souris nichant dans le store de sa classe, comme j’en ai vu aussi dans les replis des rideaux et des colonnettes de la salle capitulaire, j’aurais voulu être petite souris à la Préfecture d’Auxerre, dans la salle où Marie Noël et Charles de Gaulle se sont rencontrés en entretien privé.

François POPLIN

Il est trois arbres en Bourgogne